Toutes choses belles jaillissent d'un printemps intérieur.
Les quarante photos de Christelle Westphal sont d'étranges portraits d'hommes et de femmes dont la tête est surmontée d'un coussinet de terreau, enveloppé d'un velours noir ou marron. La plante est comestible, nous prévient Christelle Westphal, une plante qui s'épanouit ainsi sur le sommet de ces têtes. « Ah ! Si les idées pouvaient germer et croître ainsi dans nos têtes, visibles aux yeux de tous, paisibles, légères, aériennes, ondulant vers la terre ou sortant, drues vers le ciel. » se lamente la préfacière.
Dans la première photo, les yeux sont clos, le regard profondément intérieur ferme l'expression de leur identité et laisse à dessein notre regard se diriger vers le sommet de leur tête anonyme, socle de la vie végétale. Puis, il y a le portrait de celle qui écrit, de celui qui lit, portant toujours ce chapeau végétal, l'air de rien. Ils sont immobilisés dans leur vie quotidienne, dans leur appartement, comme si leur fonction était d'être le tuteur de ces plantes vivant sur leur tête, d'être le jardinier de leur tête. Porter son jardin et faire autarcie. Absents au monde environnant, présents à eux-mêmes tout entier voués à leur condition d'hommes et de femmes terroir, père et mère matrices d'un monde végétal.
Puis, il y a celles et ceux qui nous tournent le dos, n'ayant rien à montrer, sauf cette vie qui pousse. Rien à montrer d'eux-mêmes, sauf le chou, la salade, la plante aromatique. Ce sont elles les vedettes, ce sont elles qu'il faut regarder. Et puis, enfin, il y a le book des anonymes, sauf un, Pierre Rabhi. . Ceux qui font la pose pour la photographe, portent ce mini-jardin tel un chapeau de modiste, en harmonie avec leurs couleurs. Le coussinet devient parure, la plante devient décor, bijou, diadème, tiare. Photo de famille où seuls les parents royaux sont dépositaires de cet ornement, auquel les enfants accèderont à leur majorité, à l'âge adulte. Il y a aussi la plante qui devient chevelure drue et montante, tels des épis que l'on redresse à l'aide d'un gel coiffant. La plante, l'effervescence d'une herbe folle plantée sur la tête. Denis Pouvawa accompagne ces photos de sa poésie « qui cherche à relier la graine et le coeur » : la graine pousse et le cœur déplace le temps. Humilité respect poésie le temps se déplace dans le pollen ».
La graine et le cœur
font pousser
l'une plante et l'autre
humain.
Christelle Westphal et Denis Pourawa, Un regard à fleur de graine. – Ed. Unicité.