1/ Introduction

 C’est à l’époque du Paléolithique que remontent les premières preuves de jeux. L’une des plus anciennes traces découvertes est le jeu de semailles, également connu sous le nom de Mancala dont des versions gravées dans la roche ont été trouvées en Jordanie. Il s’agit d’un jeu de stratégie qui implique le déplacement de graines ou de pierres sur un plateau avec plusieurs trous. Outre son rôle en tant que passe-temps, ce jeu avait également une signification culturelle et rituelle. En Afrique, certains jeux de Mancala étaient utilisés pour deviner l’avenir, tandis qu’en Asie et dans le Pacifique, ils étaient parfois associés à des cycles de plantation, donc liés à l’agriculture.

Jouer à des jeux comme le Mancala a eu des implications importantes pour le développement cognitif. Les jeux de stratégie demandent de la planification, de l’anticipation et une pensée flexible, des compétences qui sont bénéfiques dans de nombreux aspects de la vie.

2/ le jeu de GO

Remontant à au moins au 6ème siècle avant notre ère, le Go est considéré comme l’un des plus anciens jeux de plateau encore joués aujourd’hui et a une riche histoire culturelle. Le Go était considéré comme l’une des quatre compétences artistiques que devaient maîtriser les lettrés chinois, aux côtés de la calligraphie, de la peinture et de la musique. Jouer au Go était donc non seulement un passe-temps, mais aussi une expression de statut social.

Du point de vue psychanalytique le plateau de Go est comme une représentation symbolique de l’espace intérieur et extérieur du joueur. Le joueur doit à la fois être conscient de son propre « territoire » (ses pierres et leur disposition sur le plateau) et attentif à l’espace de l’adversaire.  Ici, on se rapproche de la notion d’individuation, ou le sujet doit à la fois se prendre en compte mais également le monde qui l’entoure.

La notion de conflit et rivalité est l’essence de ce jeu, une image de la représentation symbolique des conflits internes que nous vivons entre nos désirs conscients et inconscients et des conflits externes avec les autres.

On se rapproche du concept freudien du « désir » car le joueur doit non seulement comprendre son propre désir, son objectif dans le jeu, mais aussi le désir de l’adversaire. En effet, le jeu de Go demande une planification stratégique et la capacité d’anticiper les mouvements de l’adversaire. 

C’est également un jeu lent qui demande de la patience. C’est une forme de formation à la frustration – une compétence importante dans la vie où nous ne pouvons pas toujours obtenir ce que nous voulons immédiatement. Cela rejoint l’idée freudienne du « principe de réalité », où l’individu doit apprendre à différer la gratification et à tolérer la frustration.

3/ Les jeux vidéo

Le développement des jeux vidéo a radicalement transformé la façon dont nous jouons. Ils sont devenus une forme de divertissement omniprésente, offrant une immersion et une interactivité sans précédent. Ils engagent les joueurs dans des mondes virtuels où ils peuvent explorer, résoudre des énigmes, accomplir des missions, ou interagir avec d’autres joueurs en créant chacun son avatar.

L’opportunité de créer et contrôler un avatar dans un jeu vidéo est une extension numérique du « jeu de rôle ». En psychanalyse, le jeu de rôle est vu comme une manière d’explorer et d’exprimer des aspects cachés de notre identité. Cette idée a été discutée par Carl Jung avec son concept des archétypes et des « ombres », ou les différentes facettes de notre personnalité que nous avons tendance à réprimer. Les avatars peuvent être considérés comme une forme numérique de cette « ombre », permettant aux joueurs d’explorer des identités alternatives en toute sécurité.

La place du phantasme est également importante. C’est une construction mentale qui représente les désirs inconscients d’un individu. Les jeux vidéo, avec leurs mondes imaginaires et leurs scénarios fantastiques, fonctionne comme des espaces où ces phantasmes sont explorés. Par exemple, un joueur pourrait vivre des phantasmes de puissance, de contrôle ou de lâcher prise dans le contexte d’un jeu, satisfaisant ces désirs dans un environnement virtuel.

Les défis des jeux vidéo, à de rare occasions, sont une voie pour la sublimation, où les pulsions compétitives et agressives sont canalisées de manière constructive. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le sentiment d’accomplissement est si fort dans les jeux : ils permettent une expression directe et valorisée de ces pulsions.

Cependant, si le jeu sert simplement à détourner l’attention d’une personne de problèmes ou de sentiments négatifs dans sa vie, sans apporter d’épanouissement ou de satisfaction réelle, alors nous pouvons dire que nous somme face à un mécanisme de déplacement qui est coûteux en énergie psychique à long terme. Par exemple, si un individu utilise le jeu pour éviter des problèmes dans sa vie personnelle ou professionnelle, alors elle risque de finir par se sentir plus stressée, épuisée ou angoissé au fur et à mesure de l’utilisation de ce mécanisme. 

Lucas Bielli.

Radio divan, pour une psychanalyse populaire #33 : Le jeu

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