L’écoute active
L’écoute dans le silence
La question de l’écoute rejoint celle du silence déjà évoquée dans une de nos précédentes émissions. Quand l’analyste écoute un analysant, il a besoin de faire silence et il se place dans une posture d’une écoute de l’inconscient, une écoute non seulement des mots, mais aussi celle des émotions et du corps. Cette écoute non verbale pour laquelle nous activons une perception sensorielle, corporelle, émotionnelle. C’est un sujet qui est peu évoqué dans nos formations de psychanalystes. Pourtant, l’écoute active fait ses preuves dans deux univers que je connais un peu, celui de la communication non violente et dans les principes de base de l’écoute téléphonique chez SOS Amitié.
Carl Rogers (1902-1987) et Marshall Rosenberg (1934-2015)
L’écoute active est une notion qui a été développée par le psychologue Thomas Gordon en 1975 qui s’est appuyé sur les travaux du psychologue Carl Rogers (1902-1987). La méthode d’écoute de Carl Rogers donne la priorité à la relation entre le thérapeute et le patient, centre son approche sur la personne avant même de s’intéresser à l’objet de l’échange thérapeutique, qui peut être la souffrance, la maladie, le conflit psychique etc. C. Rogers parle d’empathie, de congruence dans la relation. La congruence est un mot utilisé dans les sciences biologiques comme en anatomie. On parle par-exemple de congruence des surfaces articulaires, lorsque ces surfaces présentent un emboîtement parfait,comme dans le cas de l’articulation coxo-fémorale, celle de la cuisse et du bassin où l’os iliaque entoure la tête du fémur. Dire que dans l’écoute active il y a congruence, c’est dire que cette écoute est globale. L’écoutant ne capte pas seulement les mots, l’expression rationnelle de la discussion, ni seulement le sujet de la discussion, mais aussi les émotions qui accompagnent le récit, la posture corporelle lors d’un face à face, les modalités d’élocution, le regard, pourquoi pas les odeurs. Pour la communication non violente, formalisée par l’élève de Carl Rogers que fut Marshall Bertram Rosenberg, c’est l’empathie, l’authenticité et la responsabilité qui oriente ses principes qui sont utilisés dans la communication et dans la résolution de conflits, des conflits conjugaux aux conflits internationaux.
Les conditions de l’écoute active
Écouter selon le principe de C. Rogers, c’est d’abord accueillir la personne, la recevoir inconditionnellement. C’est ensuite être attentif à ce que la personne vit, éprouve, ressent. Se connecter à ses émotions avec notre propre état émotionnel. Témoigner du respect dans les décisions que la personne prend, respecter ses réactions, abolir son propre jugement et son désir de conseiller ou d’agir à sa place. C’est laisser la personne être à l’œuvre dans sa vie, dans ses choix.
Ecoute active versus attention flottante
Ce que je suis en train de dire Lucas semble être en opposition avec ce qu’on appelle en analyse l’attention flottante, définie par S. Freud en 1923. Le but de l’attention flottante est de déceler sous le discours rationnel, l’inconscient du patient pour le relier à son propre inconscient, sans rien fixer de particulier dans le registre du discours. L’analyste s’abandonnerait ainsi à sa propre activité mentale pour éviter le plus possible d’être réactif et d’élaborer des attentes conscientes. Je comprends bien qu’il peut y avoir un hiatus entre la posture de l’écoute active et celle de l’attention flottante. Pourtant, dans mon exercice, j’utilise volontiers les quelques préceptes rogériens et il me semble ainsi parvenir à cet état de disponibilité que requiert l’écoute analytique.
Guylène Dubois, le 20 février 2023.
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