Théâtre Jean Vilar à Montpellier, les 7 et 8 novembre
Un conte modeste et enchanté
"Après la neige", création d'Aurélie Namur, s'adresse aux âmes d'enfants pour conjurer, après une explosion nucléaire, la fatalité des peurs ordinaires
Féerique, volontairement naïve, bien que trempée dans la terreur ordinaire. "Après la neige", pièce à trois personnages d'une heure de temps, dont Aurélie Namur signe texte et mise en scène, à la tête de la compagnie Les Nuits Claires, se tient en équilibre entre le conte pour enfants et la chronique sociale. Le pari est délicat, il est dans cet air du temps où se conjugue désir d'émerveillement du monde au constat désolé d'une réalité cruelle, dont les protagonistes sont les laissés pour compte.
Le point de vue de Cécile Namur est clair : "J’avais envie, dit-elle, de parler de cette thématique de l’accident nucléaire en échappant à la dialectique des débats qu’elle suscite, simplement pour envisager les possibles comme le font avec plus ou moins de véracité la science-fiction ou les récits d'anticipation… ". Sur scène, un de ces containers sobrement aménagés pour ouvriers en transit, devenu sur l'aire d'une zone commerciale le refuge d'une famille sans richesse : le père, la mère et leur fillette (Julie Méjean, Brice Carayol et Brunelle Damond et Chloé Marty-Ané – en alternance).
Après la neige, redoux foudroyant dont l'explosion nucléaire sonne le glas, à l'ouverture, sur fond de cris glacés d'oiseaux et de corbeaux. Pris au piège comme d'autres, esseulés en territoire contaminé, réseaux téléphoniques intermittents et frayeurs de la contagion mortifère. Mère en colère, père en souffrance et protecteur, petite fille légère, guidée par l'enchantement d'une nature vouée à l'interdit qui exalte son imaginaire.
Sur cette ligne douce-amère et somme toute assez "tradi" (quelques éclats d'humour de la mère dévolue à sa condition ménagère), se greffe habilement la féerie, comme une voie de secours, une échappée vers la beauté concrète, le jour où l'on décide de partir.
Réconciliation des possibles
Jolie mise en scène où ce qui est prison devient prétexte à rêves, où les angoisses secrètes des adultes se muent en ces enchantements dont le songe d'une fillette – une biche qu'elle a aperçue – tisse la toile peu à peu. Des transparences font surgir une balançoire baignée de lumière, une végétation luxuriante envahit le décor, des voix chuchotent : les peupliers ont des excroissances extraordinaires, les personnages se font mutants et batifolent allègrement sous des masques de cerf et des fourrures d'ours, les flocons de neige deviennent pétales d'amandier… L'univers autrement terrifié bascule dans la douceur d'une réconciliation des possibles : l'affection retrouvée, l'harmonie conquise, le sourire comme contrevenant aux ancestrales peurs.
Si le message est clair, il a de ces approximations qui excluent la compréhension rationnelle des métamorphoses. Sans doute cela justifie-t-il mieux l'adresse à un jeune public accompagné de leurs parents et sa tonalité naïve. Moins versé dans la science fiction que dans l'univers des mythologies populaires, le spectacle relève de ces atmosphères campagnardes et modestes chères aux contes russes ou aux récits fantastiques d'Hoffmann – tendance moralisante tenue en respect. Sur ce fil enchanté, dénué d'instinct politiquement critique sinon de contestation véritablement sociale (ce message-là s'entend en toute discrétion), il se fait l'acrobate mutin des aspirations communes aux bonheurs simples du quotidien.
Lise OTT
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Après la neige en tournée : le 14 novembre au Centre culturel de Mireval (saison du Théâtre Molière-Sète scène nationale), le 20 novembre au Théâtre Le Périscope de Nîmes, le 30 janvier au centre culturel L'Iliade de Seyssinet-Pariset, le 4 avril à l'ATP d'Uzès, le 6 avril au centre culturel d'Alénya, le 17 et 18 avril à L'Illustre Théâtre à Pézenas.
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