Nicole Vray, historienne, biographe, membre de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen s'intéresse au livre de l'Exode et à son héros Moïse. Nicole Vray a publié chez Desclée de Brouwer Les Mythes fondateurs : de Gilgamesh à Noé ; Femmes, Eglises et société et Grandes femmes de l'Ancien Testament.
L'actualité Nicole Vray c'est Moïse. Moïse, prophète, libérateur et guide de son peuple dites-vous dans votre avant-propos. Mais ce n'est pas seulement une étude supplémentaire sur ce personnage de l'Ancien Testament, c'est une lecture du livre biblique de l'Exode, et pas seulement de l'Exode, du Lévitique, du livre des Nombres, et du Deutéronome.
La question à laquelle Nicole Vray cherchela réponse est celle du statut de roi de Moïse, de son mythe royal, est la suivante : peut-on désigner Moïse comme un roi et si oui comment ? Mais avant de pouvoir répondre à cette question Nicole Vray, propose de la suivre dans sa recherche historique en commençant par situer l'histoire de l'Egypte et les influences réciproques entre l'Egypte et Canaan. Nicole Vray évoque très souvent les notions de rédacteurs bibliques, leur appartenance idéologique. Elle nous rend attentifs à l'écart entre les événements et la rédaction des textes. Le livre de l'Exode, est la conjugaison des deux cultures égyptienne et cananéenne. (p. 43) Nicole Vray questionne le texte biblique en le formulant ainsi : pourquoi l'auteur biblique a-t-il choisi la fille du pharaon pour recueillir le nourrisson. ? En s'appuyant sur les textes de l'Exode, du Lévitique, des Nombres, du Deutéronome Nicole Vray déroule la vie du prophète et pose la question de la royauté de Moïse. Si Moïse était un roi, il l'était en dépassant l'idéologie royale.
Extraits :
p. 47 « Lire l'Exode ne peut se suffire de la lecture du livre biblique qui porte son nom. Le livre de l'Exode ne peut être dissocié des livres qui lui succèdent, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome.
p. 62 La naissance de Moïse est l'articulation de volontés de plusieurs femmes, toutes différentes par le rang, l'origine ou la religion. Et toutes n'auront eu qu'un objectif : épargner un enfant d'un massacre.
p. 170. En tant que guide, si Moïse avait dû accéder à une stature de roi, il aurait dû décider de constructions qui marqueraient son passage et son époque. Tous les rois ont laissé des traces d'édifications, villes, fortifications, statues, stèles hagiographiques. … Mais là encore, Moïse se démarque d'une image royale. Pas de ville construite, ni à défendre, seulement un buisson ardent, une montagne, une nuée. Pourtant, parmi les instructions divines sera celle de la construction d'une « demeure ».
p. 164 : le concept qui domine chez Moïse est celui du juste : « Le concept qui domine chez Moïse dans toutes ses étapes, libération du peuple ou guerres, est le « juste », plutôt que la justice, du terme en hébreu tsadiq qui renvoie à la notion d'équilibre ou d'harmonie. Une notion d'autant plus importante si elle est liée au « sacré ».
p. 172 Les devoirs d'un roi que Moïse a assumés étaient fondamentalement et spécifiquement reliés à Dieu.
p. 174 Moïse a décloisonné la pratique religieuse de l'institution étatique, en substituant la Loi à la seule politique. Moïse a dépassé l'idéologie royale. …Le Décalogue où priment le vivant sur la mort, les lois où justice et sagesse doivent régir le civil comme le religieux, tout ce que Moïse a retransmis au peuple, qui était dicté par Dieu, ne tend que vers ce but : démythifier l'image du roi pour magnifier celle de Dieu. La royauté de Moïse est ailleurs.