Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.

Le contexte 

Pour illustrer cette notion de mot d’esprit, j’ai choisi un sketch de Raymond Devos, Ouï dire. 

Raymond Devos, né le 9 novembre 1922 à Mouscron en Belgique et mort le 15 juin 2006 à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines), est un humoriste français. Humoriste français, il doit sa notoriété à ses talents de conteur d’histoires tissées de jeux de mots, de mots d’esprit, d’autodérision. D’allure débonnaire, il ajoutait à ce talent de manieur de mots, un jeu de scène clownesque, basé sur le mime et très expressif. C’est sa mère qui lui transmet son goût de jouer avec la langue et ses détours. Ouï dire est tiré du recueil  A plus d’un titre publié chez Pocket en 1989.

Le mot d’esprit

S. Freud publie pour la première fois en 1905 Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient. Freud lui-même avait une passion pour les aphorismes, les jeux de mots, les blagues et les a collectionnés toute sa vie. Ses mots d’esprit s’appuient sur des histoires de ghetto. Le principe du mot d’esprit est de faire le lien avec les mécanismes du rêve et les caractéristiques du rire. Le mot d’esprit  choisit une anecdote propre à une communauté, un réseau et de lui donner une portée universelle.  Le mot d’esprit, le Witz est une expression de l’inconscient qui s’échappe, qui utilise une faille de conscience – via l’humour – pour parvenir à la connaissance de tous. 

Pour faire un mot d’esprit, il faut être trois : celui qui raconte, celui qui est le témoin de la blague et son spectateur. Le mot d’esprit est aussi un moyen de se moquer de soi-même, de pratiquer de l’auto dérision. En bref, le mot d’esprit c’est aussi une façon d’aborder avec humour le contenu de notre inconscient, de jouer avec nos névroses, ou encore utiliser l’humour pour faire ressortir une situation traumatisante. L’humour est d’ailleurs considéré comme un puissant mécanisme de défense, qui nous permet de réduire les tensions internes contradictoires, de dissimuler les souffrances. Le mot d’esprit est à distinguer des lapsus, qui sont aussi des passages vers l’inconscient. Mais autant le lapsus nous échappe, autant le mot d’esprit est construit, travaillé. Il est en quelque sorte adressé à soi, vers l’autre, vers un groupe ou porte sur un sujet de société. C’est le procédé de l’humour qui autorise à ne pas attaquer directement l’objet du mot d’esprit. Freud a identifié 4 types de Witz : ceux qui sont inoffensifs, ceux qui ont un mobile comme l’agressivité, l’obscénité ou le cynisme et un dernier qui utilise le scepticisme. Freud considère que le mot d’esprit qui utilise le levier du doute est le plus redoutable car il s’attaque à la sûreté du jugement. 

Faire des mots d’esprit avec humour est “grandiose et exaltant” note Freud, affirme en société un narcissisme triomphant pour le sujet qui en est l’inventeur et garantit une bonne santé psychique. 

Faire jaillir sur justement ce que l’on ne veut pas dire consciemment.

Radio divan, pour une psychanalyse populaire #73, Le mot d’esprit

Guylène DUBOIS


Guylène Dubois est psychanalyste à Sète et anime deux émissions sur FM-PLUS : Radio divan, pour une psychanalyse populaire et l'Afrique dans tous ses états. Son site internet : http://surledivansetois.com


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